Statistiquement, il existe au moins autant de façons d’apprendre qu’il y a d’élèves dans une classe. Derrière cette multiplicité, une réalité s’impose : la psychologie de l’apprentissage n’est ni monolithique, ni figée, mais pétrie de nuances et de débats. C’est ici que se joue la différence entre un cours suivi d’un œil distrait et une connaissance qui s’ancre durablement.
Pourquoi s’intéresser aux types d’apprentissage en psychologie ?
Depuis plusieurs décennies, la question des types d’apprentissage s’impose au cœur des recherches en psychologie. Comprendre ce qui façonne le profil d’un apprenant, identifier les variables qui influencent l’apprentissage, analyser la diversité des connaissances utilisées : voilà ce qui alimente sans relâche la réflexion pédagogique. Derrière les innombrables styles d’apprentissage, se dessinent des enjeux très concrets pour la formation, le soutien et l’accompagnement.
La taxonomie de Bloom, régulièrement citée, vise à préciser les objectifs pédagogiques selon différents niveaux d’apprentissage et types de connaissances. Sa version revisitée par Anderson & Krathwohl met l’accent sur la diversité des processus cognitifs : distinguer la connaissance factuelle de la connaissance conceptuelle, différencier compréhension et application.
Quand on parle de stratégies d’apprentissage, la réalité s’affiche en nuances : chaque élève adapte ses ressources à la tâche du moment. Mémoriser du vocabulaire, résoudre un problème mathématique, décortiquer un texte philosophique… Les outils varient et les méthodes se personnalisent. Pour affiner la lecture des profils et ajuster l’accompagnement, certaines variables regroupées, attention, mémorisation, transfert, se révèlent précieuses.
Approfondir ces modèles et leur évolution n’a rien d’une coquetterie académique. C’est la clé pour soutenir chaque apprenant vers davantage d’autonomie, diversifier les supports, bâtir une pédagogie différenciée et reconnaître la pluralité des chemins qui mènent à la connaissance.
Quels sont les trois grands styles d’apprentissage et comment les reconnaître au quotidien ?
Trois styles d’apprentissage structurent aujourd’hui la réflexion pédagogique et influencent les pratiques. Issus des travaux de Rita Dunn, Bernice McCarthy ou encore Kenneth Dunn, ils se repèrent à travers des critères précis et des comportements observables.
Visuel, auditif, kinesthésique : la triade la plus répandue
Voici comment se manifestent ces styles dans la réalité :
- Style visuel : L’apprenant s’appuie avant tout sur les supports graphiques, schémas, images, cartes mentales. Il retient mieux en structurant l’espace, en utilisant des couleurs, en organisant ses notes et en visualisant l’information. On le voit souvent surligner, dessiner ou créer des diagrammes pour fixer les idées.
- Style auditif : L’écoute constitue le moteur principal de la mémorisation. Discussions, explications orales ou enregistrements audio lui permettent d’intégrer la matière. Il relit à voix haute, reformule, échange et privilégie les podcasts, la lecture partagée ou les présentations orales en groupe.
- Style kinesthésique : L’action prime. Manipuler, expérimenter, simuler ou construire, voilà ses atouts. L’apprenant kinesthésique apprend en bougeant, en participant à des ateliers pratiques, en mimant ou en mettant en scène des situations concrètes.
Les questionnaires, comme le Learning Style Questionnaire ou les outils de Claude Lamontagne, permettent d’identifier ces préférences. Mais en réalité, la plupart des individus conjuguent plusieurs styles issus de cette classification et adaptent leurs méthodes en fonction des situations. Les recherches de Rita Dunn, Kenneth Dunn et James Keefe invitent d’ailleurs à considérer la multiplicité et la flexibilité des learning styles, bien loin d’une vision figée ou mécanique.
Les apports des théories de Piaget et Kolb pour mieux comprendre nos façons d’apprendre
Impossible de parler d’apprentissage sans évoquer Jean Piaget et David Kolb. Le premier, figure incontournable de la psychologie du développement, a modélisé une taxonomie des stades d’apprentissage qui éclaire la façon dont l’enfant construit ses connaissances. Pour Piaget, la progression se fait par différentes étapes, sensori-moteur, préopératoire, opératoire concret, puis opératoire formel, que l’on repère dans la résolution de problèmes ou l’acquisition de concepts abstraits. Chaque stade témoigne de la capacité à affronter la nouveauté et à intégrer de nouveaux savoirs.
David Kolb, quant à lui, a ouvert la voie des modèles expérientiels. Son modèle d’apprentissage expérientiel se décline en quatre étapes :
- expérience concrète
- observation réflexive
- conceptualisation abstraite
- expérimentation active
Chacun de nous a tendance à privilégier certains moments du cycle, ce qui façonne des profils distincts : divergents, assimilateurs, convergents, accommodateurs. Grâce à ces dimensions bipolaires, on comprend mieux la variété des stratégies d’apprentissage.
Au-delà de la théorie, ces approches aident à repérer les variables regroupées propres à chaque type d’apprenant. Des outils comme le Learning Style Inventory de Kolb ou encore les diagnostics issus des méthodes Myers-Briggs ou Sternberg prolongent ce dialogue entre laboratoire et terrain. L’intérêt de ces modèles ? Articuler expériences vécues, analyse critique et assimilation progressive des connaissances, tout en tenant compte de la singularité de chaque parcours d’apprentissage.
Limites, débats et pistes pour enrichir la pédagogie aujourd’hui
Les classifications en types d’apprentissage séduisent souvent par leur clarté, mais la réalité s’avère plus subtile. À vouloir tout catégoriser, on risque parfois de réduire l’apprenant à une simple case. Les modèles tels que le Learning Style Inventory de Kolb ou le questionnaire LSQ font aujourd’hui l’objet de critiques quant à leur validité scientifique. Des méta-analyses récentes remettent en question l’efficacité de pratiques pédagogiques qui s’appuient uniquement sur ces typologies. Le cerveau, lui, combine sans cesse, adapte, module et refuse de se laisser enfermer dans un tableau figé.
La révision de la taxonomie de Bloom par Anderson et Krathwohl a mis en avant une approche plus souple des objectifs pédagogiques, en insistant sur le contexte et la construction progressive de la connaissance. Les variables « regroupées » issues de la psychologie cognitive, motivation, émotions, environnement, temporalité, influencent l’apprentissage aussi puissamment que les styles eux-mêmes.
Les pistes les plus stimulantes misent aujourd’hui sur une approche dynamique de la pédagogie. Allier émotion et raison, ajuster les outils selon les situations, mixer méthodes actives et réflexives : ce sont ces croisements qui ouvrent la voie à une pédagogie individualisée, plus libre, plus adaptée à chacun. Les neurosciences, en explorant les mécanismes cérébraux de l’apprentissage, offrent de nouveaux leviers pour affiner la compréhension des processus en jeu, sans jamais trahir la richesse du réel.
En définitive, apprendre ne se résume pas à une question de cases ou de profils : c’est une aventure aux contours mouvants, toujours singulière. Garder le cap sur cette diversité, c’est donner à chacun la chance d’inventer sa propre façon de grandir.